L’arrêté du Ministre des Solidarités et de la Santé du 14 mars 2020 – complété d’un arrêté du 15 mars – interdit aux restaurants, cafés, bars, cinéma d’ouvrir mais aussi aux salles de réunions, de conférences ou de spectacles (Type L) et aux salles d’exposition (Type T) d’accueillir du public, jusqu’au 15 avril 2020.
1- Report ou annulation ? Apprécier la situation
Relisons ensemble l’article 1218 du Code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».
L’empêchement créé par un arrêté d’interdiction, dès lors qu’il prévoit une date de fin, est temporaire.
1.1 – Le report de l’événement est possible
L’exécution du contrat est suspendue jusqu’à la fin de la période d’interdiction et reportée à la date fixée.
La procédure suivante peut être adoptée :
- une nouvelle date est fixée dans un délai raisonnable ;
- une notification du report est adressée aux exposants et aux prestataires, le contrat est suspendu jusqu’à la date prévue et les versements conservés ;
- une négociation engagée avec les exposants qui invoquent un empêchement pour la période de report.
1.2 – Le report de l’événement n’est pas possible
Le contrat est résolu, c’est-à-dire qu’il est annulé avec effet rétroactif. Les choses sont remises en l’état, comme si le contrat n’avait jamais existé.
2- Cas de force majeure – Comprendre ses conditions et ses effets
2.1 – Les effets de la force majeure
Rappelons que la force majeure a deux effets pour le débiteur, un organisateur ou un prestataire par exemple :
- elle permet d’activer la clause dite « de force majeure » du contrat qui peut prévoir le non remboursement d’une partie ou de la totalité du prix stipulé au contrat ;
- elle permet de s’exonérer de sa responsabilité contractuelle, par exemple en cas de préjudice invoqué par le client du fait du défaut d’exécution de la prestation (frais de transport ou d’hébergement déjà engagés par exemple).
2.2 – Les conditions pour qualifier un cas de force majeure
La force majeure doit être irrésistible, c’est-à-dire imprévisible dans ses causes et insurmontable dans ses effets.
– Cause imprévisible
Si le contrat a été signé avant le 13 mars (date d’interdiction de tous rassemblements en France), la clause de force majeure ne s’applique que (i) si l’événement est interdit par un arrêté spécifique ou (ii) en cas de marché public si l’Etat et les Collectivité ont reconnu l’épidémie comme étant un cas de force majeure – Si le contrat a été signé après le 13 mars, l’épidémie de coronavirus n’est plus imprévisible et il était à prévoir que des mesures seraient prises en cas d’aggravation de l’épidémie. Il est donc devenu indispensable depuis cette date que l’épidémie de coronavirus apparaisse expressément dans les cas de force majeure prévus au contrat afin que les parties au contrat en acceptent le principe et puissent invoquer la force majeure.
– Effets insurmontables
Si l’empêchement n’est pas définitif, il faut prévoir un report, et si l’empêchement n’est pas absolu, il faut mettre en œuvre les solutions adaptées. Quoi qu’il en soit, à ce jour, la mise en œuvre du stade 3 de lutte contre l’épidémie peut s’apparenter à un empêchement absolu.
Voir note MEDEF – L’impact du Covid-19 dans les relations contractuelles – mars 2020
Rappelons, à toutes fins utiles, que le Règlement général des manifestations commerciales (RGMC) d’UNIMEV, auquel se référent normalement les CGV des organisateurs, prévoit, dans son article 01.02 qu’ « en cas de nécessité impérieuse, l’organisateur se réserve le droit de modifier, à condition que cela ne modifie pas substantiellement le contrat initialement signé entre l’organisateur et l’exposant, et sous réserve d’un délai de prévenance raisonnable, les dates et lieu envisagées ». Une solution contractuelle supplétive à la force majeure pour justifier le report d’un événement…
3- Les CGV comportent généralement deux clauses différentes : la clause d’annulation par le client (couramment appelée « clause pénale ») et la clause d’annulation par le fournisseur (couramment appelée « clause de force majeure »)
Ces clauses n’ont pas les mêmes objectifs.
3.1 – La clause d’annulation délibérée par le client
La clause pénale, applicable en l’absence de force majeure, sanctionne le client qui annule de manière délibérée (elle prévoit par exemple une échelle de pénalités en fonction de la date d’annulation) ;
3.2 – La clause d’annulation contrainte par le fournisseur
La clause de force majeure, applicable en cas de force majeure, rappelle que la responsabilité contractuelle du fournisseur ne peut être engagée dans un tel cas, et met souvent à la charge du client une partie du fardeau de l’annulation (elle prévoit par exemple une limitation du remboursement du prix au seul solde, ou une limitation du remboursement au prorata par exposant des sommes disponibles après paiement des dépenses engagées par l’organisateur).
Selon qu’un organisateur est en position de client (d’un prestataire, d’un hôtelier par exemple -pour un PCO organisateur de congrès-) ou de fournisseur (d’un exposant par exemple), c’est la première clause (stipulée dans les CGV du prestataire ou de l’hôtelier) ou la deuxième clause (stipulée dans vos CGV) qui va trouver à s’appliquer.
4- Prix versé et prix encaissé – Ne pas se méprendre sur le sort des acomptes et du prix déjà versé
Nombreux sont ceux qui croient que les acomptes sont, par nature, acquis à l’opérateur qui les encaisse. Ce n’est pas le cas. En l’absence de clause contractuelle particulière, les acomptes doivent être remboursés lorsque la prestation n’est pas exécutée. Ce, même en cas de force majeure.
Les seuls cas où les acomptes n’ont pas à être remboursés sont les suivants :
- la prestation a été partiellement exécutée à hauteur, au moins, du montant de l’acompte ;
- les CGV du prestataire (prestataire technique, organisateur, hôtelier…) prévoient qu’en cas de force majeure, l’acompte lui sera acquis.
5- Caducité et imprévision – Deux régimes juridiques à connaître
5.1 – La caducité
L’article 1186 du Code Civil prévoit qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement ».
Un exemple d’application parlant : un PCO (professional congress organiser) signe un contrat de réservation de 200 nuitées avec un hôtelier dans le cadre de l’organisation d’un congrès. Si l’hôtelier avait connaissance de ce contexte, ce qui est évidemment probable, l’annulation pour cas de force majeure du congrès entraîne l’annulation pour caducité du contrat de réservation des nuitées. Le prix n’est pas dû.
5.2 – L’imprévision
L’article 1195 du Code civil permet à une partie, « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour elle, de demander une renégociation du contrat, tout en étant tenu de continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation. A défaut d’accord entre les parties, le juge peut être saisi et réviser le contrat, voire y mettre fin ».
Un prestataire (prestataire technique, organisateur…) peut demander à son cocontractant de renégocier les termes du contrat en raison d’un changement de circonstances imprévisible rendant l’exécution de son obligation excessivement onéreuse.
6- Quelles clauses mettre dans ses CGV pour que les prospects exposants signent sans craindre de perdre les fonds versés en cas de résurgence ou de persistance de l’épidémie de coronavirus ?
– Clause de remboursement intégral du prix en cas d’annulation de l’événement
« Dans le cas où, pour des raisons de force majeure, et notamment en cas d’épidémie de coronavirus déclarée par les autorités nationales de santé, le salon ne pourrait avoir lieu, les demandes d’admission seraient annulées et les sommes versées par les exposants intégralement remboursées ».
– Clause de remboursement partiel du prix en cas d’annulation de l’événement
Le remboursement du prix peut être limité à la répartition entre les exposants des sommes disponibles après paiement des dépenses engagées.
« Dans le cas où, pour des raisons de force majeure, et notamment en cas d’épidémie de coronavirus déclarée par les autorités nationales de santé, le salon ne pourrait avoir lieu, les demandes d’admission seraient annulées et les sommes disponibles après paiement des dépenses engagées seraient réparties entre les exposants au prorata des sommes versées par chacun d’entre eux ».
N’hésitez pas à nous solliciter, nous restons à votre écoute.